Les dinosaures de la traduction 

(ou : quelle est la place, aujourd’hui, des professionnels de la traduction qui sortent du lot ?)

 

« Ne pourrait-on pas être moderne sans être bête ? » (Gian Giono, La chasse au bonheur)

 

Dans une discussion récente avec une collègue traductrice, qui va certainement se reconnaître dans ces quelques pages et que je remercie d’emblée de m’y avoir inspirée, j’ai remarqué que je ne suis pas la seule à voir les choses de manière différente par rapport à la masse et aux tendances, ou disons plutôt : je ne suis pas la seule à être un peu « démodée ».

Dans cet article je me penche, non sans un peu d’humour et d’autodérision, sur la question des traducteurs qui pensent et agissent selon des valeurs « d’antan », que j’ai décidé d’appeler les dinosaures de la traduction : une race bien rare mais, à mes yeux, nécessaire de professionnels de la traduction vivant et agissant en arrière-plan, mais qui laissent néanmoins d’importantes traces.

Malgré cette prise de position claire, cet article ne vise à dénoncer personne - il entend juste mettre l’accent sur une mentalité voire une réalité qui, dans la course vertigineuse dans laquelle on est entraînés depuis quelques décennies, a malheureusement la tendance à disparaître.

Un peu comme les dinosaures. D’où ma métaphore.

 

Bienvenue dans Jurassic Park (1) !

Nous sommes en 1999.

Je reçois mon premier mandat de traduction : il s’agit d’un document historique (tiens, comme le hasard fait bien les choses…) portant sur les meurs des juifs d’Europe, qu’on me demande de traduire depuis l’allemand vers l’italien. Rien à voir avec la médecine, donc.

Ce texte est rédigé dans un allemand assez complexe et ancien. Le contenu, riche en détails et en nuances, est exposé avec un style très soigné. Consciente de la responsabilité que cette tâche notable comporte, je me donne à fond pour arriver à retransmettre le message et ses couleurs avec la même élégance et pertinence dans l’idiome de Dante.

Ce document, je dois toujours l’avoir quelque part. Sur un vieux truc qu’à l’époque on appelait « une disquette » - qui, pour ceux qui n’auraient pas eu la chance de connaître ces reliques d'un autre âge, n’est rien d’autre qu’un bout de plastique carré fin et flexible (enfin, pas tant que ça!) capable de contenir, oyez, oyez, rien de moins que 500 octet. Ainsi, le texte source et ma traduction occupent, à eux seuls, presque la moitié de l’espace de stockage. De quoi en sourire.

Une autre époque, direz-vous. Je le pense aussi.

Depuis, l’informatique a (heureusement) remarquablement évolué, et ce pour la plus grande joie de beaucoup de personnes – y compris celle des traducteurs !

Toutefois, l’évolution de ce métier n’a pas connu la même progression, voire le même progrès à tous les niveaux. Je parle ici de véritable évolution : celle qui émane d’une attitude humaniste, axée sur la construction, sur la préservation de l’homme ainsi que sur d’autres vraies valeurs, que je nommerai de suite.

 

Qu’est-ce qu’un dinosaure (de la traduction) ?

Avant de décrire ce qui définit un dinosaure de la traduction, commençons par nous pencher, d’entrée de jeu, sur la notion de « dinosaure » tout court.

Ces gros reptiles, qui vécurent sur Terre il y a des millions d’années, sont associés à plusieurs connotations symboliques.

Au niveau collectif, dans le langage parlé, on les associe par exemple à tout ce qui est ancien, voire dépassé. Obsolète, même.

Cet animal, si gros et puissant, peut également évoquer de la peur au vu de sa taille, de sa denture redoutable, de ses griffes ainsi que de son comportement de prédateur.

Les enfants, eux, en sont plutôt fascinés : ils admirent leur force et leur solidité et certains en font même des idoles- tout en gardant un profond respect pour ses créatures ambivalentes.

Dans le monde contemporain, le concept de « dinosaure » est également souvent apparenté au fait d’assumer une posture « anti-modernité » refusant le « progrès », ou du moins portant une attitude critique à l’égard des nouvelles technologies (je m’y attarderai plus loin). Dans ce cas, la connotation de « dinosaure » sera plutôt négative.

À mon sens, être un dinosaure signifie aussi agir et travailler comme un artisan (terme qui, lui, revêt toutefois une signification passablement plus positive et en aucun cas menaçante) : un professionnel qui opère « à l’ancienne », qui fait du sur-mesure et qui connaît son métier et ses outils par cœur. Un ouvrier qui travaille d’arrache-pied, riche en expérience et œuvrant par passion, qui ne se limite pas à exécuter un travail, mais qui s’identifie avec ce qu’il fait.

Le terme « artisan » étant étymologiquement proche de celui d’« artiste », la définition de dinosaure sera ainsi agrémentée d’une connotation plus créative et fantaisiste, qui lui conférera une image plus légère.

Le « dinosaure de la traduction » dont il s’agit ici est un mélange de tout cela : il incarne de vieilles valeurs d’artisan et de la force, ainsi qu’une certaine réticence à la modernité. Parfois on l’admire, parfois on en a peur. Ou alors on se moque de lui- cela revient à peu près au même.

 

Quelles sont les valeurs d’un dinosaure de la traduction ?

Lorsqu’on parle d’une traduction effectuée « à l’ancienne », donc suivant de vieilles valeurs, on s’imagine généralement un travail soigné et personnalisé, issu de longues recherches et d’un précieux savoir-faire. On pense à un engagement durable vis-à-vis du client ainsi qu’à une approche sage et intelligente de son propre métier. Cette approche, porteuse d’un message humaniste, ressemblera ainsi à celle pratiquée par un artisan.

Pour un dinosaure de la traduction œuvrant à son compte, le concept de soin s’élargira à d’autres domaines également, tels que la relation avec le client ou la gestion de sa propre entreprise, voire de sa propre vie. Cela s’exprimera par exemple par une communication polie, par des courriels et messages promotionnels personnalisés ou par des offres réfléchies et bien expliquées. Ou encore par le respect des délais - cela va de soi.

Ce soin, si propre au mode « à l’ancienne », se manifestera également par la persévérance, par exemple face à un appel d’offre qui lui tient à cœur et pour lequel il attend toujours une réponse – oui, ça aussi, c’est du soin : celui de prendre au sérieux ses propres objectifs.

Toutes ces attitudes ont deux dénominateurs communs : l’amour et le facteur temps.

 

L’amour et le temps : des valeurs peu modernes ?

L’amour pour son travail est une qualité primordiale et très noble. Prendre le temps pour l’effectuer l’est tout autant.

Or, paradoxalement (ou pas …), aimer ce que l’on fait permet de travailler plus rapidement et d’être plus efficaces, ce qui aide à réduire le nombre d’heures passées scotché au petit écran.

Ainsi, grâce à la passion pour son propre métier, les longues recherches terminologiques ou l’adaptation d’expressions, requises par la complexité du texte ou du sujet et, de temps à autre, également induites par la gourmandise de savoir ainsi que par le souci de qualité propre à chaque (bon) traducteur, résulteront moins fastidieuses et surtout moins chronophages.

Voir le nouveau texte qui se crée devant nos yeux, en entendre sa nouvelle musicalité et savoir que, par notre action, on va aider quelqu’un à en comprendre le contenu, est passionnant et gratifiant. Et cela permet d’être plus productif.

Toutefois, chaque traduction requerra un certain temps- qu’elle soit accompagnée par des investigations étendues ou pas. Pour un dinosaure de la traduction (mais sans doute pour tout autre professionnel de la transposition de texte également), il n’est donc pas envisageable d’arriver à traduire 5’000 mots par jour (2) en gardant son standard de qualité habituel. Cela est même (humainement) impossible ! Et pourtant, de telles demandes ne sont pas rares de nos jours, signe qu’il doit bien avoir des traducteurs qui acceptent des conditions pareilles.

Ceci étant dit, il y a un domaine dans lequel un dinosaure (de la traduction) agira toujours lentement : la construction des relations de travail. Et cela de façon consciente : car « Rome ne s’est pas faite en un jour » (mais en revanche elle toujours là, prête à nous émerveiller!).

Or, est-ce une attitude soutenable de nos jours ? En d’autres mots : a-t-on encore le temps pour tout cela ?

Pour répondre à cette question, il faut d’abord se pencher sur le sens du terme « moderne » : signifie-t-il « créé en époque récente» ou plutôt, comme dans le cas présent, « résistant au temps et triomphant sur le modernisme ?

 

Le rapport avec les techniques et les stratégies contemporaines

Parler de modernité et de rapidité soulève une autre question importante, voire, de nos jours, basique : le rapport avec les nouvelles technologies.

Cela est peut-être le critère principal utilisé pour définir un dinosaure. Et donc également un dinosaure de la traduction.

Pour rester fidèle à sa réputation, un vieux dinosaure de la traduction (attention, là il est devenu vieux, ça s’empire!) choisira probablement de ne pas travailler avec ceux qu’on appelle des « CAT-Tools » - lesquels, pour le profane, n’ont rien à voir avec les « cats », donc les chats : il s’agit de logiciels de Traduction Assistée par Ordinateur (en français on les appelle « des outils TAO »).

Ou alors, s’il accepte d’employer ces dispositifs, il optera pour une utilisation ponctuelle, sur demande d’un client ou d’une agence particulière par exemple (c’est l’attitude que moi-même j’adopte). Ou sinon il en fera usage pour créer ses propres glossaires, même si je dois avouer que cela marche très bien »à l’ancienne » également (non, pas sur du papier - mais presque).

Les outils TAO sont censés nous faire gagner du temps, un peu comme tout ce qui relève de l’informatique et de la technique. Cela est bien vrai, surtout dans le cas de termes ou expressions qui reviennent régulièrement - même si, et que cela reste entre nous, un bon vieux « copier-coller » fait également l’affaire.

(Oups …).

Mais il est bien vrai que parfois, charger un document, chercher et sélectionner les bonnes mémoires de traduction ainsi que les bases terminologiques adaptées à chaque mandat ou client et surtout paramétrer les différentes options disponibles (un paquet!) sur ces logiciels peut prendre un sacré temps, surtout pour des novices. Par ailleurs, ces outils ne sont pas tous conviviaux et, par moment, il peut être assez fatigant d’avoir à gérer, visuellement, tous les éléments qui remplissent un écran en soi déjà assez petit (menus, fenêtre de prévisualisation du texte traduit, segments, balises, etc.), au détriment de la simplicité et surtout de la place pour le texte source et cible.

Du concept de modernité font également partie les nombreuses stratégies marketing en vogue et de plus en plus pointues, qui peuvent être très utiles - ou pas : cela dépendra du dinosaure de la traduction. On choisira donc de les appliquer à la lettre, de les refuser en bloc ou encore de les personnaliser pour en faire «sa propre sauce » (être un dinosaure s’assimile également à être autonome et un peu rebelle).

Pour pousser le raisonnement à bout, on pourrait aller jusqu’à se demander s’il est concevable, pour un « vrai » préhistorique de la traduction, d’avoir un ordinateur, un site Internet ou (pire encore?) un profil sur les réseaux sociaux ou sur d’autres portails professionnels.

J’estime que oui, cela est concevable (est-ce que les dinosaures font preuve d’ouverture d’esprit?), mais ce n’est certainement pas indispensable.

Dans ce cas, le dino traducteur choisira alors des fournisseurs ou logiciels alternatifs et/ou OpenSource, histoire de contrer les tendances et de rester fidèle à sa mentalité de « vieux têtu préservateur de valeurs ». Et, pour ce qui en est des réseaux sociaux, il y sera de manière sélective et surtout il ne passera pas sa journée à lire tous les posts ou à y réagir.

Mentionner les TAO et l’informatique nous emmène inévitablement à aborder un autre aspect très important, voire substantiel inhérent l’utilisation des nouvelles technologies et qui est désormais devenu LE sujet de discussion dans la grande communauté des traducteurs : la traduction automatique, ou « machine translation » (MT) en anglais.

Cette technologie, en soi, n’a rien de nouveau : elle fait sa première apparition dans les années 50. De nos jours, la MT est utilisée fréquemment et désormais ces machines, de plus en plus performantes, sont à même de fournir un travail équivalent à celui d’un traducteur humain- du moins dans des domaines techniques et pour des textes peu créatifs ou construits avec des phrases simples.

De quoi faire trembler, voire ébranler, un dinosaure de la traduction ! Ou peut-être pas ? Cela dépend de nombreux facteurs : l’un d’entre eux, c’est le type de client.

Car la demande influence l’offre.

 

Qui sont les clients d’un dinosaure de la traduction ?

Voyons donc cela de plus près.

Puisque, selon la loi de l’Attraction, « On n’attire pas ce que l’on veut, mais on attire ce que l’on est », on pourrait être porté à supposer que les clients d’un traducteur jurassique soient tous comme lui, donc « des vieux, lents et vétustes », ou des magnâtes qui ont de l’argent à jeter par la fenêtre et qui n’ont toujours pas compris que le travail de traduction peut tout à fait être effectué par une machine (enfin, là je pousse la chose à bout, mais c’est juste pour poser des termes de discussion clairs).

Mais cela est faux : ces gens on certes un bon budget, mais surtout ils connaissent et apprécient, voire ils recherchent un travail d’artisan et ils sont donc prêts à payer le juste prix pour des prestations de cette facture. C’est donc le genre de clients qui sait pertinemment qu’en collaborant avec un dinosaure de la traduction, il ne paie pas juste pour un texte transposé avec soin et élégance dans une autre langue, un glossaire précis et pertinent ou un article bien corrigé, mais il achète également le privilège d'une relation. Et la confiance qui s’y accorde.

Ainsi, ces clients agissent comme leurs traducteurs : ils misent sur la qualité.

Je le disais bien que qui se ressemble s’assemble …

 

Combien coûte la traduction d’un dinosaure de la traduction ?

Le concept de « juste prix » mentionné auparavant reste tout de même assez vague.

Néanmoins, compte tenu de tout ce qui a été exposé ici, on pourrait facilement s’imaginer qu’un travail de traduction effectué par un professionnel issu du Jurassique puisse coûter une fortune.

Cela dépend bien évidemment de la définition de ce même terme, (« fortune », et non pas « Jurassique » :-)) qui est, à son tour, fort variable.

Or, pour poser des chiffres concrets, il va de soi qu’un travail de qualité ne pourra pas être facturé à 0.02 CHF (ou EUR, cela revient de nos jours pratiquement au même) le mot source. Pour info, à une vitesse de traduction moyenne et raisonnable de 250-300 mots/heure (5), cela correspondrait à un tarif horaire de 5 CHF/EUR !

Un travail sérieux et méticuleux, issu d’un véritable savoir-faire et d’une longue expérience, mérite d’être rémunéré en conséquence - et, par ailleurs, comment arriver à tourner, voire à survivre en Suisse en pratiquant des prix pareils ?

Mais là aussi, comme dans le cas des 5’000 mots par jour, si de telles conditions sont pratiquées, c’est qu’il doit bien avoir des gens qui les acceptent.

Ceci étant dit, quels seraient alors les justes tarifs d’une traduction professionnelle ? (3). Perso, je pratique des prix soit standard soit sur mesure, en fonction du type de texte et de son niveau de spécialisation. Et bien sûr en fonction du budget du client.

Parfois, si je sens qu’un client potentiel « me veut moi » et qu’il me choisit pour mes compétences professionnelles ainsi qu’humaines et que, par ailleurs, il a compris ma valeur, je peux décider d’accepter un tarif plus bas que ceux que je pratiquerais habituellement, au profit d’une relation de travail sur le long terme qui, entre autres, me permet de m’éclater sur le plan professionnel. Au point que j’aurais presque la tendance à oublier de leur envoyer la facture !

Cependant, une chose est sûre : je n’accepterai jamais de me faire payer que 5 CHF l’heure ! Ni pour des mandats « lents », ni, pire encore, pour des mandats urgents.

 

Et qu’en est-il des délais serrés ?

Les mandats urgents : en voici un autre sujet intéressant.

À ce stade, on pourrait être amené à penser que cet être préhistorique bizarre, qui a décidé de se passer des moyens modernes et qui ose prendre le temps de peaufiner ses textes jusqu’à l’épuisement tout en pratiquant des tarifs exorbitants (...), ne soit pas en mesure de respecter les délais requis par le client, surtout s’ils sont serrés.

Et ben non, c’est faux- car un dinosaure de la traduction en est tout à fait capable. Pourvu, ça s’entend, que la tâche à effectuer soit réaliste (donc rien à voir avec les 5’000 mots par jour mentionnés antérieurement!).

Ainsi, à l’instar de ses homologues préhistoriques, un dinosaure de la traduction sera lui aussi en mesure de faire de sprints (4).

Une question légitime se pose alors : comment peut-il allier rush et qualité ? La réponse est simple : il mettra des priorités.

Dès lors, lorsqu’un mandat urgent (qui en vaut la peine) tombe, d’autres tâches seront laissées de côté. Ça s’appelle « optimisation du temps », un concept finalement assez moderne que les Jurassiques de Spielberg (1), eux, ignoraient peut-être, mais dont la mise en pratique s’avère être très utile voire incontournable si l’on veut préserver des valeurs haut de gamme.

Ceci étant dit, un dinosaure n’étant pas une gazelle, il ne passera pas tout son temps à travailler dans l’urgence, car sa nature le lui en empêche. Et parce que, tout simplement, il n’aime pas ça. Ainsi, il opérera des choix ciblés, qui lui permettront de conserver sa manière de travailler ainsi que son niveau de qualité habituels sans faire trop d’acrobaties. Ces choix l’aideront à se ménager (il est vieux, donc il doit faire attention à sa santé!).

 

Quels sont les critères pour faire partie du club ? Doit-on être un peu âgé ?

Le facteur « âge » a été mentionné à plusieurs reprises dans ce texte. Mais, au fait, y a-t-il un âge idéal pour être considéré comme un dinosaure (de la traduction) ?

Vu la métaphore avec les habitants du Jurassique, on serait logiquement amené à croire qu’une certaine ancienneté serait requise pour faire partie du cercle des élus. Cela est vrai à moitié.

Disons que, d’un point de vue strictement anagraphique, avoir plus de 40 ans et être actif dans le milieu depuis plus de 10 ans peut constituer un avantage. Toutefois, comme on l’a vu, un dinosaure de la traduction ne se définit pas uniquement par les données inscrites sur ses documents d’identité, mais avant tout par sa manière de penser et d’agir.

Dans ce sens, même un jeune diplômé pourrait siéger dans le club (au passage, j’aimerais bien faire la connaissance de ce genre de personnage!).

 

Quelle est la place d’un dinosaure de la traduction dans notre société ?

Après avoir décrit en long et en large les vertus et les défauts de cet être singulier, la réflexion nous emmène doucement et automatiquement vers la dernière question- la plus importante, peut-être : est-ce qu’un dinosaure (de la traduction) a encore une place dans le grand cirque des linguistes modernes ?

Or, disons qu’au sens propre, donc sur le plan paléontologique ainsi que pratique, la présence d’un dinosaure dans un cirque serait tout de même assez inenvisageable : ces animaux ont disparu désormais. Par ailleurs, avez-vous déjà vu un dinosaure se balader sous un chapiteau ? :-)

Au sens figuré, oui, bien sûr ! À mes yeux, il est même impératif que ces êtres puissent garder une place dans l’univers des traducteurs et dans ce monde en général.

Certes, leur attitude virant parfois à l’utopie pourrait faire questionner quant à leur légitimité à exister. Mais les utopistes sont également des réformateurs, ou en tout cas des visionnaires, nécessaires à l’évolution humaine.

Par les valeurs qu’il incarne, le dinosaure de la traduction permet ainsi de contribuer à garder ce progrès.

 

Lorenza Oprandi (septembre 2020)

 

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(1) « Jurassic Park », film de Steven Spielberg, 1993

(2) En traduction et en rédaction, plusieurs unités de mesure existent pour définir la taille standard d’une page. Personnellement, j’utilise un standard « moyen », qui définit une page d’après les critères suivants : 1 page (Arial 13)= 2’250 caractères, 300-350 mots, 75-85 signes/ligne et 40 lignes/page. D’après ces critères, un texte de 5’000 mots correspondrait à env. 15-16 pages.

(3) Les tarifs conseillés par les associations professionnelles de Suisse se situent entre 0.20-0-40 CHF/mot source (100-120 CHF de l’heure). Donc 10 fois le tarif mentionné dans l’article.

(4) https://magic-dino.com/blogs/blog-dinosaure/les-dinosaures-les-plus-rapides (chercher le terme « Concavenator »).

(5) La traduction, ce n’est pas de la débrouillardise. Et ce n’est pas non plus de la dactylo : traduire un document, même le plus simple, prend plus de temps que l’écrire ou le relire (je parle ici de relecture et non pas de révision). Une traduction sérieuse comprend également des recherches ainsi qu’une relecture et un contrôle de qualité soigné de son propre travail. 250 mots/heure correspondrait à env. 75-80 % d’une page standard, définie

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